Nains 
 Homme 
 Libra 
Il était une fois un royaume de l’Ouest possédant deux pays habités par trois peuples répartis ainsi : les Liminis, êtres minuscules habitaient exclusivement les micro-forêts humides de Laconiaqua, les Hogrors géants avaient quant à eux bâti leurs immenses demeures sur les monts massifs de Grandiloquia. Le troisième peuple, les nains-variables, n’avait pas d’habitat exclusif et se répartissaient équitablement sur tout le royaume, pouvant ainsi être rencontrés aussi bien en Laconiaqua qu’en Grandiloquia. Les nains-variables étaient d’une taille moyenne, si bien qu’ils étaient considérés comme géants par les Liminis (Géanains) mais atteints de nanisme par les Hogrors (Mininains).
Le royaume de l’Ouest connut une période calme et prospère ou chaque peuple s’accommodait de la proximité de ses voisins… mais comme à chaque fois que cette phrase fut écrite à travers le temps, elle n’était que le préambule des troubles à venir. Les Géanains finirent par prendre des grands airs, haut-perchés qu’ils étaient sur les contreforts de Grandiloquia, ils bâtissaient, minaient, récoltaient, sculptaient et administraient en grand pour se mettre au diapason des Hogrors. Ils finirent donc par conclure qu’ils en étaient supérieurs au Mininains, sinon de taille au moins d’esprit. Les conflits naissants s’accentuèrent lorsqu’un Géanain abattît un arbre de Laconiqua pour s’en faire un bureau, arbre qui écrasa une ville des Liminis, tuant au passage le maire et 200 administrés. En représailles des Mininains et Liminis s’associèrent pour faire un croche-patte à un Hogror dont la chute dévasta un quartier entier de Grandiloquia et dont le gargantuesque écho peut s’entendre encore de nos jours si on tend l’oreille dans la région.
De la copulation de ces tensions naquît le pourtant commun, mais toujours horrible rejeton, nommé « la guerre ». Malheureusement pour les trois peuples la guerre sortît bien vite des ses reptations initiales pour apprendre à marcher, et par voie de conséquence à écraser. Personne ne sortit vainqueur de cette sombre période qui dura 100 ans sinon la rancune. De guerre lasse, les trois peuples tinrent un conseil historique, un déposez-les-armes fut signé, des accords furent paraphés et un nouveau concept émergea : la frontière.
Une ligne pointillée fut tracée entre Laconiqua et Grandiloquia séparant le royaume de l’Ouest en deux parts égales et il fut demandé aux nains-variables qui habitaient à cheval sur la frontière de choisir un côté. Mais certains nains-variables qui avaient autant de connivences avec les Liminis que de sympathie pour les Hogrors refusèrent de voir leurs déplacements limités par une ligne peinturlurée au sol. Des manifestations naines vinrent provoquer le gouvernent en installant des banquets illégaux sur la frontière, tandis qu’une outrageuse guilde d’effaceurs commença à gommer des tronçons de ligne la nuit, pendant que les honnêtes gens dormaient. Devant ces actes jugés hautement irresponsables, à la limite de l’incitation à la haine, le gouvernement put réagir sainement en mettant en place des barbelés, des miradors et une milice autorisée à utiliser la violence sur les dissidents pour surveiller tout cela. Évidemment les maisons naines à cheval sur la frontière furent rasées, les familles enjointes de choisir un côté et celles ne parvenant pas à choisir séparées de force. Pour éviter la recrudescence d’individualités contestataires basées sur la comparaison de taille une milice de la langue fut créée : les chevaliers du « Ni ». Ces derniers étaient autorisés à intervenir à chaque fois qu’ils entendaient quelqu’un dire quelque chose d’assertif ou de catégorique. On ne disait plus « il est petit » ou bien « il est grand » mais il « il n’est NI pas trop grand NI pas assez petit ». Fatalement la pratique non-catégorique des chevaliers du Ni s’étendit à tous les aspects de la langue, par exemple on ne disait plus « le pain est trop cuit ce matin » mais « le pain n’est Ni pas assez cuit, Ni pas trop cuit, Ni en matinée, Ni dans l’après-midi ». Au début les chevaliers du Ni durent recourir à des arrestations quotidiennes voire à un peu de tortures dans des cachots Ni-pas-assez-douloureuses, Ni-pas-trop-douloureuses sur les citoyens qui avaient du mal avec ces nouveaux virelangues, mais avec le temps tous s’y habituèrent.
Tous ? Non ? Une irréductible maison naine, construite au beau milieu de la frontière avait survécu aux démolitions. Tout cela à cause d’un dossier qui par un vice de procédure s’était retrouvé Ni-pas-trop-conforme, Ni-totalement-inconforme… Dans cette maison vivaient deux nains-variables, une Géanaine et un Mininain ayant vécu de chaque coté de la frontière pendant la grand guerre de cent ans. Ils étaient heureux en ce moment car si les pointillés tracés par des agents municipaux dans la maison avaient un moment agacé le couple, ils purent en tirer des situations assez cocasses. En effet, ils étaient les seuls nains de tout le royaume à traverser plusieurs fois par jour la démarcation entre minuscules et géants.
Parfois Karacloc prenait sa femme Klaracole par la taille pour danser sur la frontière et s’amusait de pouvoir embrasser une citoyenne différente à chaque pas. Parfois encore l’amusement les poursuivait jusque dans le lit matrimonial, coupé pile en son centre par les pointillés, où la situation imbanale avait épicé leur vie sexuelle. « Vous avez des attributs bien géants pour un si petit Nain » glissait à l’oreille Klaracole à karacloc, « Vous êtes la plus-Ni-pas-trop-sexy et la plus-Ni-pas-assez-magnifique des naines de ce royaume ma mie » répondait mutin Karacloc entre deux soupirs. Ces temps légers et heureux arrondirent le ventre de Klaracole et l’enfant Ni-pas-trop-pressé, Ni-pas-assez-en-avance finit par naître sur le lit pointillé. Ce fut Karacloc qui avec une tendresse infinie reçut son enfant dans les mains tout juste sorti de la matrice maternelle. Il leva le nourrisson pour le mettre sur la poitrine de sa femme, après un long moment de silence contemplatif ils s’exclamèrent « qu’il est beauuuu notre Karacole ». C’est sur cette exclamation par trop assertive que la porte d’entrée explosa, enfoncée par des chevaliers du Ni qui avaient placé le couple sur écoute. D’autorité les chevaliers séparèrent la famille, Klaracole fut enfermée des geôles du côté de Laconiqua et Karacloc du côté de Grandiloqua. Quant au petit Karacole il constitua longtemps un casse-tête administratif par les bureaucrates pénitentiaires.
Après de longues délibérations il fut convenu que Karacole reçoive une éducation non-assertive par un précepteur Ni-pas-totalement-agréé, Ni-incomplètement-assez-désagréé et qu’il puisse vivre que sur la ligne de démarcation jusqu’à ses douze ans (âge de la majorité naine) pour qu’il soit ensuite abandonné dans la forêt des étripeurs à l’est du royaume de l’Ouest.
L’histoire ne raconte pas comme le petit Karacole, nain-variable de son état devint un bâtisseur habile en plaçant dans ses mains l’or qu’il manqua de voir dans le regard de ses semblables.
Cependant, l’histoire qui raconte comment Karacole parvient à se faire une place dans ce monde reste à écrire avec vous !
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