La nuit tombait sur le désert.

L’air était si sec qu’on aurait cru qu’il râpait la peau.

Ystenia avançait seule et son outre était vide.

Depuis trois jours, elle suivait la ligne des dunes pour espérer trouver un puits oublié, vestige d’une ancienne oasis engloutie.

Elle se laissait glisser par les vibrations aquatiques , à peine imperceptibles.

Comment en était elle arrivée là ? Aucune idée. De sa mémoire elfique, ne reste que les images tremblantes du Cataclysme.

Elle était récolteuse d’eau — ça elle s'en souvenait.

Là où d’autres cultivaient le sel ou façonnaient la pierre, elle cherchait ce que la terre refusait de donner.

Chaque goutte tirée du sable était une prière accomplie.

Ce soir-là, elle trouva enfin un creux dans la roche, un filet de condensation brillant à la lueur des lunes.

Elle posa ses outils, remplit son outre, puis s’assit dans le silence.

Au-dessus d’elle, le ciel.

Infini.

Froid.

Les constellations traçaient leurs figures familières : la Flèche, la Coupe, le Cerf, et là-bas, plus bas sur l’horizon…

le Lapin.

C’était une petite constellation que les anciens appelaient L’Oreille du Monde.

On disait que quand une étoile y vacillait, un esprit quittait la terre.

Ce soir-là, Ystenia la vit — une étoile, minuscule, mais d’un éclat étrange, verdâtre et violacé.

Elle pulsa. D'abord vert fluorescent, puis d'un sombre violet.

Puis s’éteignit, avalée par le néant.

Le silence se fit total.

Même le vent sembla s’arrêter.

Et pendant une fraction de seconde, Ystenia crut sentir une vibration sous ses pieds.

Puis une chaleur.

Pas dans l’air, mais en elle.

Un battement, étranger, résonna dans sa poitrine.

“Croissance...”

Le mot n’avait pas été prononcé — elle l’avait simplement entendu, quelque part entre son cœur et ses pensées.

Elle resta longtemps immobile, le regard fixé sur la constellation mutilée.

En puisant l’eau du désert cette nuit-là, l'elfe avait senti qu’un monde lointain venait de mourir.

Et qu’un autre venait de se glisser dans le sien.