Pour comprendre ce qui suit, lire d'abord "Une arrivée pour le moins ratée", Chapitre 8.

Univers NEPTUNE'S PRIDE, planète Mucoplasme Prime, antre du GRAND BLOB MATRICIEL

Dans l’immensité tiède et palpitante de la Mare Primordiale, une onde concentrique se propagea : quelque chose venait de tomber. Pas un météore. Pas un vaisseau endommagé. Pas même un fragment d’Yst que Palpablob aurait tenté de cloner en secret dans la cuve matricielle.

Non…
Quelque chose de plus petit. Beaucoup plus petit.

Le Grand Blob Matriciel se redressa — ou plutôt, fit gonfler trois mètres cubes de cytoplasme dans une imitation convaincante de redressement.

Une petite créature bipède s’agitait dans la viscosité jaune, se débattant tel un hamster pris dans de la confiture. Un cri jaillit. Puis un deuxième. Puis un troisième, légèrement modulé, presque musical. Le grand Blob Matriciel nota cela pour un usage ultérieur (peut-être un chant de guerre ?).

« Aaaaargh ! Où je suis ?! Par les barbes de mes ancêtres ! Pourquoi que ça colle autant, c'est de la mélasse ?! Pourquoi ce sol palpite, beurk, pouah, dégueulasse ?! »

Le Blob fit vibrer l’air — ou la matière qui en tenait lieu — d’une voix mentale ample et enveloppante comme une vague marine qui s'enroule :

« Petit organime carboné qui s'exprime par de petits couinements agaçants et désordonnés. Tu as pénétré la Glorieuse Sphère de Mucoplasme où règne le Grand Blob Matriciel. Ce sol que tu insultes est MA peau. »

Le nain se figea. Doucement. Très doucement.
Il sembla comprendre qu’il se trouvait sur une divinité. Ou un monstre. Ou un monstre se prenant pour une divinité. Tout était possible.

« Je… je… je suis désolé... votre grandiose, si j'ose, gluance (un peu rance ?) » tenta-t-il.

Une pseudopode s’approcha, délicatement, pour l’examiner. Le Blob cligna des yeux — tous à la fois — en découvrant l’étrange créature : petite, barbue, nerveuse, saturée de micro-souillures terrestres. Inoffensive. Limitée (trés). Comestible. Vaguement amusante.

« Tu sens la déchirure spatio-temporelle. Je vois dans ta mémoire que tu as été propulsé ici par un artefact que tes mots appellent… gigot-ouate ? »

Karacole hocha la tête, les yeux ronds.

« Je comprends. Tu as donc touché quelque chose qui brillait sans en mesurer la dangerosité.
C’est la définition même du nain. Tu sais, il y a un peu la même espèce ici, en plus... galactique. »

Une pause mentale. Puis :

« Sois le bienvenu dans mon domaine, petit être carboné. Je ne t'assimilerai pas. Pas encore...
Raconte-moi plutôt comment tu es arrivé ici… et surtout, ce que tu comptes faire à présent que tout ton univers t’a oublié. »

Autour d’eux, les tentacules jaunâtres ondulèrent doucement, comme s’ils savouraient déjà l’histoire à venir...

Mais où est pazzé mon Karacole ???

Le Grand Blob Matriciel… vaincu par une tête de PIOCHE

Le Grand Blob Matriciel était prêt à écouter le récit de Karacole.
Il avait tendu ses pseudopodes, ajusté la viscosité ambiante, ouvert ses innombrables yeux.
Il avait même modulé sa voix mentale en mode Mélopée de Sagesse Cosmique.
Karacole ne se fit pas prier pour parler,
Il parlait.
Et parlait.
Et ne cessait jamais de parler ?
Et mais quand est-ce qu'il reprend son souffle, pourtant mes analyses me disent que c'est un organisme aérobie ? - se demanda le grand Blob Matriciel.
Karacole parlait encore, mais surtout, il parlait de pioche.
« …et là, j’ai toujours pas de PIOCHE ! »
« …tu comprends, sans PI-O-CHE, un nain n’est RI-EN ! »
« …et ensuite j’ai cherché une PIOCHE mais j’en ai pas trouvé ! »
« ... pas pour les artisans qu'ils me disent ! Et alors moi ... ! »
« …et tu sais ce qu’il me manque ? UNE— »
À la cent-cinquante-troisième occurrence, un frisson parcourut le grand être gluant.
Pas un frisson de colère démiurge.
Pas un frisson de puissance cosmique.
Non : un frisson de lassitude infinie, le genre qu’on ne trouve que dans les dimensions supérieures.

Chose inouïe depuis 2,4 milliards d'années, le Grand Blob Matriciel… s’endormit.
En s’affaissant doucement, il laissa émerger un nodule brillant, un petit œuf luminescent pulsant d’énergie diaphane :
un neuropode de voyage multiversel de classe MK-V qui brillait d'une lumière fascinante, telle la lanternelle d'une Baudroie...

Karacole, interrompant enfin sa logorrhée se serait facilment fait gober par un poisson des abysses... il tendit la main :
« Oooh… par la barbe de mes ayeux, du mithril ? »
Il toucha l'orbe.

RE-FLASH.

Un naufragé dans un monde carré

Karacole ouvrit les yeux.
Son niveau de migraine s'était élevé au carré.
Au début, il crut avoir un problème de vision. Tout était… trop net.
Trop géométrique.
Il se releva d’un bond — ou plutôt d’un clac-clac, car même ce mouvement produisait un bruit étrange de cubes entrechoqués.
Il secoua les mains.
Enfin, des espèces de moignons cubiques qu'il avait en lieu et place de ses doigts...
Il tapa du pied.
Le sol fit clic-clic, sur un dallage régulier... comme si la terre elle-même était faite de petites planches de bois bien rangées.
« Nom d'un caillou canaillou… je suis dans un tableau… mal dessiné en plus ! »
Une voix résonna alors dans sa tête, gluante et un peu irritée :
« Correction : tu es dans un univers dominé par la logique voxelisée.

« Bleuh Blah ? » - répondit un Karakole au bord de l'apoplexie

Correction secondaire : tu m’as ingéré.
Oui. Littéralement. Tu es tombé dans ma mare. Tu m’as avalé. »

Karacole se figea.

Blêmit.
Cligna des yeux.
Puis hurla avec une sincérité et une intensité qu’on ne réserve normalement qu’aux explosions minières et aux collecteurs d'impôts qui passent à l'improviste :
« J’AI AVALÉ QUOI ?!
COMMENT ÇA J’AI AVALÉ UN TRUC QUI PARLE ?
SORS DE LÀ ! SORS DE MA TÊTE ÉSPÈCE DE NAIN-TRUS, IMMÉDIATEMENT ! »
« Techniquement impossible. Mes protéines tentaculaires sont en phase de liaison neuronale, c'était assez facile vu tout ce vide... »

Karacole se mit à courir en rond. Puis à se taper la tête avec ses mains cubiques. Puis à tenter de se secouer comme une bouteille de bière bouchée.
« SORS ! SORS ! SORS ! »
« Inutile. Je suis intégré. »

Le nain tomba à genoux.
« Je… j’ai un Blob dans la tête… Je suis possédé !
Je vais devenir gluant ! Je vais pousser des pseudotrucs sur mon séant ! Je vais— »
- « Je loge simplement dans un coin.
Comment dites-vous déjà ? Une "araignée au plafond". Tu pourrais-dire un blob au grenier ? »
Karacole resta bouche ouverte.
Il trembla.
Il respira.
Il respira encore.
Puis, lentement, une forme de résignation s’installa.
Le genre de résignation qu’on ne connaît qu’après trois apéros trop chargés et la décision absurde de suivre cette naine qui s'est taillée la barbe en ticket de métro.
« Bon… si je dois avoir une créature cosmique dans la tête plus habiter dans un monde cubique… autant essayer de ne pas paraître comique.» - se dit Karacole, reprennent empire sur lui-même,
Il se releva.
Regarda autour de lui.
Les cubes. Le paysage cubique.
Le soleil en forme de carré qui ne tournait même pas rond.
« Tout ça… c’est réel ? C’est… c’est MON monde maintenant ? »
- « Ce n’est pas ton monde. Mais tu es prisonnier dedans...
Karacole inspira profondément.
Puis dit d’un ton sec, comme un nain soldat qui devrait faire équipe avec un elfe :
« D’accord le Blobby ! Montre-moi comment on survit ici. »

Très vite, l'interface lui fut expliquée par son blob de ciboulot. De plus en plus adapté à son environnement, son étonnement céda la place à quelque chose d’autre :
l’instinct du pionnier, la fièvre du premier soir, la vocation ancestrale du nain naufragé.
Il observa les collines cubiques, les arbres carrés, la mer rectangulaire qui s’agitait comme un drap animé.
Un sentiment le traversa :
« Je suis… seul… mais tout est à construire, pour le meilleur et pour le rire !
Ce monde est brut, vierge… un mirifique pays nanique ! »

Il fit un pas. Le sol fit tchac.
Il observa sa main cubique.

« Je suis… difforme ma foi … mais fonctionnel (Je crois). »
Il se sentit soudain comme un pionnier, oui, un survivant.
« Il me faut du bois ! Des outils ! Une maison ! Une forteresse ! Une brasserie ! Une enclume !
UNE PIOCHE ! »
À ces mots un HMMM guttural retentit derrière lui.
Un villageois, visage plat et yeux indifférents, lui tendait…
UNE PIOCHE !!!

Karacole eut les larmes aux yeux en accueillant la pioche dans ses paluches.
« C’est… la plus belle chose qu’on m’ait offerte de ma vie… Merci l'ami ! »
HMMM répondit le villageois.
Karacole, ému essaya de le prendre dans ses bras, mais ce n'est pas chose aisée avec un corps carré. Un unique pixel mouillé coula sur sa joue.
Même le Blob dans sa tête émit un petit « hmf » attendri malgré lui.

Mine et construit
Karacole se mit à explorer, miner, creuser.
Chaque coup de pioche produisait un plock musical.
Chaque bloc de pierre se rangeait sagement dans son inventaire comme un soldat obéissant (et qui n'était pas limité à 6 pauvres places...).
Il construisit un abri.
Puis une galerie.
Puis un réseau de tunnels digne d’un royaume nain.

Une mine à mille embranchements ! C'était tellement grisant !
À chaque instant, son enthousiasme grandissait.
« Ce monde… c’est le rêve ! Rien que des lignes droites, du caillou docile, de la roche pure ! Et par tous les larrons, même pas un elfe à l'horizon !
Un nain pourrait vivre mille ans ici !
Un nain pourrait— »
« Attention. Les nains ont tendance à fouiller trop avidement et trop profondément. »
prévint la voix du Blob.
« Bah ! » répondit Karacole. « Pas de rature, c’est bien là notre nature ! »

La chute : trop profondément, trop avidement
Il creusait depuis des heures, guidé par la soif de minerais rares.
La roche devenait sombre.
Puis presque noire,
Puis violette.
« Oooh, intéressant ce changement ! »
« Non. Très mauvais signe. Retourne— »
Trop tard.
Le sol céda.
Karacole tomba dans une caverne lumineuse aux blocs scintillants violets, organisés en motifs presque runiques.
Un portail.
Un portail ancien.
Un portail qui n’attendait qu’un inconscient pour s’activer.
« Oh non… non non non ! Par ma bille ! Pas encore un truc qui brille ! »
hurla Karacole.
Mais il glissa.
La gravité cubique le trahit.
Sa pioche tourna dans les airs.
Il l’attrapa… non ! Il la rata… elle s'éloigna de lui... hors de portée...

« NOOON PAS LA PIO— »
RE-RE-FLAAAASH.

Karacole s’écrasa au sol dans un roulé-boulé approximatif, encore sonné par le vortex violacé qui l’avait aspiré. Il toussa, cracha un nuage de particules lumineuses… ses maux de tête avaient atteint des niveaux extradiégétiques. Il réalisa soudain que sa PIOCHE – sa divine, magnifique pioche offerte par le villageois, sa compagne d’exploration, son joyau à manche de bois avait disparu.

Il se redressa, terrassé.

« Ma pioche… Ma PIOCHE… MA P-I-I-I-OCHE... » gémit-il, avec l’intensité d’un nain ayant perdu un héritage familial de douze générations sous le ventre d'un dragon.

Dans sa tête, la voix du Blob Matriciel soupira, déjà excédée.
— Perdre une pioche ne constitue pas un trauma mortel chez les humanoïdes de moins de 600 ans, selon une étude que je viens d’inventer !

« Chut chenapan ! C’est pas le moment ! » s’énerva Karacole en tapant du pied.

— taper du pied n’accélère pas la restitution quantique d’outils perdus...

Karacole leva les yeux au ciel. « Merci pour rien. Ça m’aide pas bien. »

Le Monde Miroir

Il se tenait devant un lac sombre émanant un profond malaise malsain. Le décor autour de lui avait été poli par un artiste maladroit. Les couleurs étaient inversées, les ombres à l’envers, les montagnes penchaient du mauvais côté. Même le ciel semblait refuser la logique, avec un soleil sombre et une lune lumineuse qui se poursuivaient en boucle.

Karacole frissonna.

« Foi de nain tanné à la bière, je déteste déjà cet endroit délétère !»

— Je note que les environnements instables causent une augmentation de 22 % du grognement nain.

« C’est pas un grognement garnement ! C’est un diagnostic. Je me méfie. Quelqu'un m'épie...»

Il avança prudemment dans l'eau glacée mais peu profonde du lac, mains nues, estomac serré, esprit en garde.

Le Refleg

Arrivé au milieu du lac sombre, Karacole se figea.
Face à lui, semblant se matérialiser parmi les replis des ombres, se tenait…

Lui.

Même barbe.
Même armure cabossée.
Même absence douloureuse de pioche.
Mais avec un sourire tordu qui aurait fait reculer un troll des cavernes et à la place des yeux : deux braises malveillantes.

Le Blob, dans la tête du nain, émit un glop inquiet.
— Anomalie détectée : reflet autonome, nom de code Refleg. Le fléau des profondeurs. Niveau de danger : biscuit aux prunes !

« Ho le blob ! Biscuit aux prunes, c’est pas une échelle de danger ! » chuchota Karacole.

— Alors il est dangereux comme un tyranno-tigre dimensionnel !

« Ah Canaille belle. Ça c’est une vraie échelle... »

« Toi… ? » murmura Karacole.

« Moi, » répondit l’autre, de la même voix, mais légèrement plus grave... un Karacole… renversé ! »

« ElocaraK ? Nain-portequoi ! Ça veut rien dire !»

« Tu es stupide ou je le suis ?»

« Tu es stupide ET je le suis !»

Son double ricana, un ricanement qu’il connaissait trop bien pour l’apprécier.
« Tu as été imprudent. Fouiller trop profondément… Tu ne sais jamais t’arrêter.Tu as réveillé le fléau des nains, ton Refleg !

« Je suis un NAIN ! On est faits pour ça mon salaud ! »

« Et maintenant, nain-bécile tu es coincé avec moi ! Cest ballot ! »

« Mais c'est nain-croyable ! Je suis nain-supportable ! »

« Enfin tu vas être confronté à ce que les autres vivent en ta compagnie, tu es seul et nain-buvable ! »

Jumeaux et jeux de mots

Le Refleg croisa les bras.
Karacole fit de même.
Ils se regardèrent comme seuls deux nains capables de s’exaspérer eux-mêmes pourraient le faire.

« Si tu es moi, tu sais que je gagnerai, » lança Karacole.

« Si tu es moi, tu sais que tu t’avoueras vaincu. »

« Je ne m’avoue jamais vaincu, je suis nain-vaincu ! »

« Alors vingt-culs, moi je serai nain-battable. »

Karacole gronda.
Le Refleg gronda exactement pareil.
Ils se mirent à tourner en rond...

« Tu as perdu ta PIOCHE ! »
« C’est toi qui l’as perdue MA PIOCHE le NAIN-BIBÉ ! »

Deux coups de maillets fusèrent simultanés et se frappèrent d'un angle égal, à une force égale, faisant jaillir une pluie d'étincelles. D'autres coups furent échangés mais toujours avec même résultat, il se neutralisaient l'un l'autre. Jusqu'à l'épuisement oui... sauf que le refleg avait un surplus de maléfice qui faisait qu'à chaque coup il gagnait du terrain. Un coup passa la garde de Karacole qui avait molli la cadence. L'épaule salement amochée il chancela.

Soudain dans la tête du nain, le Blob murmura calmement :

— utilise moi pour briser la symétrie, ton double n'a pas un blob symbiotique dans le cortex ! Les individus narcissiques à barbicules sont vulnérables à la confusion logique bilatérale.

Karacole cligna des yeux. « Quoi qui est un bariculé narcissique ? »

— Dis-lui une phrase illogique mais qui semble profonde. Son cerveau miroir va court-circuiter. Mais dépêche toi ! Si tu meurs, je me scléroserai dans ton crâne... beurk !

Karacole reprit contenance.
Regarda son double droit dans les yeux alors qu'il s'apprêtait à armer son maillet pour l'achever et déclara :

« Si je suis toi et que tu es moi… alors qui de nous deux regrette le plus de ne plus avoir de pioche ? »

Le Refleg cligna des yeux. Le maillet arrêté en plein geste.

« C… c’est… illogique… »

Karacole avança d’un pas.

« Tu connais le manque et la tristesse que je ressens ? »

Le Refleg chancela. Il savait le manque et la tristesse de Karacole mais l'imaginer doubla la sienne. Des larmes commencèrent à ruisseller dans sa barbe.

« Ou… si elle existe encore… mais seulement dans l’esprit… du troisième Karacole ? »

« Le… troi…sième… ? » bégaya son reflet.

C'en était trop. Un bruit de verre qui se fissure retentit.
Le double trembla, vibra, puis se désintégra en mille fragments de lumière inversée, aspirés par le sol.

Karacole souffla, satisfait.

— Bravo, joli bluff : 87 % des reflets maléfiques explosent si on mentionne un “troisième soi”.

« Saligaud ! Pourquoi personne ne m’a dit ça plus tôt ? »

— Tu ne me l’avais pas demandé...

[HRP : je ne suis absolument pas content de mon récit à partir du monde Minecraft. Je l'ai rédigé à la vas vite. Je vais récrire ces passages au fil du temps]

Karacole, encore haletant après avoir pulvérisé son propre reflet via sophisme inversé, avança vers l’étendue d’eau noire qui trônait au centre de la clairière.
L’eau était immobile, plus immobile que ne pourrait l’être une eau normale, comme si elle imitait l’idée d’être liquide sans y croire totalement.

« J'ai vu des étangs croupis plus rassurants… » marmonna-t-il.

— l’eau qui ne bouge pas a statistiquement plus de chances de contenir un secret ou une salmonelle mutante.

« Ho le blob... ta gueule !»

Aucune réponse ne parvint du Blob mais Karacole fut pris d'un sentiment de vexation irrationnel en lien direct avec son cortex préfeontal.

Mais Karacole se pencha au-dessus du lac, attiré par une minuscule lueur au fond, comme un pixel oublié par un programmeur distrait.
Ça brillait.
Ça scintillait.
Ça appelait.

« Une… pioche ? » souffla-t-il, les yeux écarquillés.

Il plongea les mains dans l’eau, décidant qu’un peu decontamination dimensionnelle n’allait pas empirer sa journée…
et ce fut alors qu’il sentit quelque chose -qui avait effectivement une forme de tête de pioche- dans sa paume. La pioche était drôlement coincée alors il la secoua de toute ses forces. Comme elle ne bougeait toujours pas d'un poil de barbe, Karacole essaya de la tourner comme un volant. Et là surprise, ça fonctionna...

Ce fut à ce moment là que le blob cessa de bouder pour y aller de son commentaire habituel :

— retirer un siphon extradimensionnel sans protection entraîne généralement une propulsion violente dans un plan de réalité supérieur.

Trop tard.
Le siphon se détacha dans un schlurp indécent…

Re-Re-Re-FLASH

Karacole prit conscience d’une odeur étrange avant même d’ouvrir les yeux : un mélange de poussière, de café tiède et d’humanité concentrée. Rien qui appartienne à un monde magique. Rien qui appartienne à un monde sensé, d’ailleurs.

Lorsqu’il regarda autour de lui, il réalisa qu’il était debout sur une touche de clavier. Une vraie. En plastique noir, large comme une table de banquet. La lettre “A” l’observait en relief, un peu arrogante.

Un souffle chaud, immense, passa au-dessus de lui.

— …Qu’est-ce que… ? fit une voix, tout près. Une voix fatiguée, un peu rauque, comme si elle avait renoncé depuis longtemps à comprendre ce que le monde lui veut.

Karacole leva la tête.

Balthy, le Dev, le forgeron suprême des lignes de code, les yeux cernés comme deux parenthèses oubliées, le dévisageait. D’une main, il ajusta ses lunettes ; de l’autre, il tapota sur son micro pour vérifier qu’il était bien allumé, comme si amplifier un nain biominiaturisé faisait partie d’un protocole habituel.

— Bonsoir, dit Karacole. Enfin… peut-être matin. Les horloges multiverselles, voyez-vous, sont d’une humeur affreuse.

Sa voix était minuscule, comme un secret qu’on chuchote à un oreiller. Balthy se pencha, fronça les sourcils, puis appuya sur un bouton du micro. Un léger bip résonna.

Et soudain, la voix de Karacole jaillit dans les haut-parleurs, claire, à peine trop forte, comme un présentateur radio qui aurait raté sa vocation de troubadour.

— PAR LA VOIX DE GROMMELBARBE HURLENGUEULE ! cria Karacole, surpris par sa propre amplification.
— C’est bon, dit Balthy. Je t’entends.

Karacole se racla la gorge.

— Voilà… je… comment dire… Je tentais de vous emprunter un fragment de code. Rien d’illégal. J’essayais juste d'écrire une petite fonction pour que les nains aient toujours une pioche, peu importe leur métier. Je suppose que c’est… un caprice culturel.

Balthy observa l’écran. Et effectivement, sur sa session ouverte de Laravel, une ligne improbable clignotait :

if($dwarf->race !== 'dwarf'){ $dwarf->givePickaxe(); }

— Ça, dit Balthy, c’est du mauvais code.
— Peut-être, répondit Karacole. Mais nom de nom, c’était de la bonne intention !

À ce moment-là, quelque chose vibra dans la tête de Karacole. Une voix grave, moelleuse, légèrement visqueuse.

— Tu aurais pu mettre un commentaire. Les commentaires, Karacole. Le monde manque surtout de commentaires.

« Pas maintenant », pensa-t-il à l’attention du blob.
« Vraiment pas maintenant. »

Balthy tendit la main pour attraper Karacole, avec une douceur maladroite, comme on attraperait un insecte précieux mais potentiellement piquant. Karacole esquiva, glissa, courut sur le clavier — les touches formaient un paysage de collines sombres et carrées.

— Reviens ! dit Balthy, sans conviction, comme quelqu’un qui sait déjà que les choses bizarres suivent leur propre agenda.

Karacole trébucha contre une touche F8, roula, se rattrapa à un câble USB, puis bondit directement contre la surface lumineuse de l’écran. Une pulsation blanche l’avala. L’air fit un bruit de page qu’on tourne un peu trop vite.

Puis re-re-re-re-re-Flash Karacole disparut.

Balthy resta un moment immobile. Il soupira.

— …J’aurais dû aller me coucher plus tôt, murmura-t-il, avant d'aller voir sur quel sujet les joueurs allaient encore râler sur le Discord Terra ce soir.